Voici le discours émouvant prononcé par Eric Vani, classe de 1991, durant la cérémonie commémorative du 4 octobre 2023.
Chers amis,
Il y a quelques années, j’ai eu la chance de partager du temps de qualité avec un vieux sage, nous ruminions sur le sens de la vie et de la mort. Un sujet profond et intimidant, particulièrement une semaine avant les vacances de Noël. Notre causette impromptue a commencé alors que je me dirigeais lentement vers le bureau de l’aumônier, situé dans un coin minuscule de l’ancien bâtiment, à la fois abîmé, mais magnifique, qui était, est et sera toujours, l’école secondaire Loyola. J’étais là, du haut de mes 15 ans, demandant au sage d’un air narquois : « Hé mon Père, comment pouvons-nous savoir que l’histoire de Jésus est vraie et que ce n’est pas la plus grande fable jamais racontée ? » Après m’avoir reproché mon paganisme, son esprit vif s’est mis en marche et il m’a répondu : « Tu es ici, n’est-ce pas ! » Sur le moment, ses paroles m’ont davantage déconcerté que sa réaction à ma question de fin finaud. Malgré ma piètre excuse pour l’humour adolescent et pour ce que je pensais être une action punissable par une retenue (JUG), le vieux sage ne m’a pas réprimandé ni traité avec condescendance ; au contraire, il a vu une occasion de discuter avec moi de mon cheminement spirituel [pause]. Et là je l’ai vu, ce scintillement dans ses yeux teintés de bleu, j’ai entendu sa voix éthérée et j’ai perçu la facilité avec laquelle il était capable de transmettre la sagesse sans aucune arrogance. La conversation s’est transformée en une expérience d’humilité durant laquelle nous avons abordé le cycle éternel de la mort et de la résurrection – le « tableau d’ensemble » de la vie, comme il l’a appelé.
Près de trente ans plus tard, je suis assis dans un bureau peu décoré, à l’exception de quelques images magnifiquement peintes de la Vierge Marie qui me regarde avec pitié, et je demande au Père Brennan quelle est ma raison de vivre et de mourir. « C’est vrai, me répond-il, la mort est une partie inévitable de notre existence temporelle ici-bas, mais ce qui nous attend est bien plus grand. » Lorsque je lui demande ce qu’il pense de l’au-delà, il me répond : « Je ne sais pas, personne n’est jamais revenu pour m’en parler ! » Le Père Brennan était capable de prendre des sujets ennuyeux, de les découper en morceaux amusants et digestes, et de me laisser un sentiment d’illumination et d’amour. Bien sûr, la partie didactique venait sous forme de courriel à la fin de la journée. C’était un lien vers le poème d’Emily Dickinson, Comme je ne pouvais m’arrêter pour la mort – la première strophe résume très bien notre conversation :
Comme je ne pouvais m’arrêter pour la mort,
Aimablement elle s’arrêta pour moi;
La voiture ne contenait que nous deux
Et l’Immortalité.
(traduction)
Les mots d’Emily Dickinson sont restés gravés dans mon subconscient durant plusieurs années, avant d’être ressuscités à l’annonce du décès du Père Brennan, le 2 septembre de cette année. Cette triste nouvelle m’a piqué au vif et m’a poussé à chercher des réponses, une fois de plus – Quel est le sens de la vie ? Quel est le sens de la mort ? Pendant un instant, j’ai vu son visage barbu et ses yeux bleu vif qui me souriaient – le Père Brennan, SJ, un vrai pilier de l’école secondaire Loyola, une personne vraie pour et avec les autres – me rappelant que tous les souvenirs que j’avais de lui étaient, dans le fond, immortels.
Né le 28 août 1945 à Toronto et ordonné prêtre jésuite en 1979, le Père Brennan a consacré sa vie à aider les autres et à rendre le monde meilleur. Il a passé près de 40 ans à Loyola, s’assurant que les générations de demain soient consciencieuses, engagées, compétentes et compatissantes. Sans aucun doute un défi de taille dans le monde paradoxal dans lequel nous vivons, mais il s’en est acquitté avec beaucoup de bienveillance. Demandez à n’importe quel diplômé, n’importe quelle personne qui l’a connu et il vous dira que son approche sincère, sans aucun jugement, faisait de lui la personne à qui parler de tout, et je dis bien DE TOUT, de l’existence de Dieu aux dures vicissitudes des relations entre adolescents à la meilleure équipe de football américain, tous les sujets pouvaient être abordés avec lui. Il écoutait attentivement, ne disait pas de platitudes et finissait toutes ses conversations avec un « Je vais prier pour toi ».
Le Père Brennan a occupé de nombreux postes à Loyola : président, administrateur, enseignant, aumônier, entraîneur et surtout, compagnon. Il s’est dévoué à ses élèves et s’est assuré de tous les accompagner. C’était un maître enseignant, qui s’intéressait davantage au développement de la personne dans son ensemble – il enseignait d’abord à l’élève. Dans la classe, il était un visionnaire qui nous a initiés aux technologies modernes, a discuté de problèmes mondiaux controversés et nous a offert de l’espoir pour l’avenir. Toutes ses leçons étaient fondées sur l’AMOUR, l’amour de ses élèves, des sujets qu’il enseignait et de l’apprentissage de toute une vie.
Cette guitare devant moi personnifie parfaitement l’obsession du Père Brennan de prendre soin de l’ensemble de la personne. Un jeune E. Hein et un plus jeune encore C. Hein connaissent très bien sa générosité. Jeunes élèves, les frères Hein allaient souvent au bureau de l’aumônier durant le dîner pour grattouiller quelques cordes de cette même guitare et partager leur passion de la musique avec le Père Brennan. Pour s’assurer que leur amour de la guitare s’épanouisse, le Père les autorisait à l’apporter chez eux pendant les vacances de Noël, la semaine de relâche et même les vacances d’été ! Voyez-vous, le Père Brennan avait vu qui ils étaient vraiment, plus que des élèves, des personnes uniques, il avait vu leur âme. Adultes, les frères Hein ont poursuivi leur amour de la musique. De nombreuses années plus tard, lorsque C . Hein a commencé sa carrière d’enseignant à Loyola, le Père Brennan l’a convoqué au bureau du président pour lui parler. M. Hein a tout de suite pensé « Qu’est-ce que j’ai fait ? » - Mais il se trompait ! Le Père Brennan a pris la vieille guitare et lui a remis en disant gentiment « Prends-en soin pour moi, tu veux ? » M. Hein est resté surpris devant cet étui qu’il n’avait pas vu depuis des années. Le Père a poursuivi : « Chris, je sais que tu es occupé à entraîner l’équipe de football, mais tu ne dois PAS oublier la musique. » C’était, c’est, le Père Brennan : PERSPICACE, ATTENTIF, VRAI.
Au-delà des murs de Loyola, le Père Brennan a fait profiter le monde de sa générosité. Il déclinait rarement des demandes pour célébrer des mariages ou des baptêmes pour d’anciens élèves, même si son horaire était chargé et les conditions de voyage dangereuses. Il célébrait toujours avec le sourire et sa volonté de servir.
Et servir, il l’a fait, notamment auprès de mère Teresa, dans la communauté la plus marginalisée de Kolkata. Le Père Brennan a servi des hommes, des femmes et des enfants atteints de la lèpre. Les photos des conditions déplorables dans lesquelles il a vécu et travaillé continuent de me hanter et de me rappeler l’importance d’être reconnaissant de ce que Dieu nous a donné. En 2011, le Père a passé la semaine de relâche à aider les habitants de Fukushima, au Japon après le terrible tsunami qui a inondé les réacteurs nucléaires dans la région, forçant des centaines de personnes à fuir les radiations. Voici un autre exemple du désir du Père Brennan de donner aux autres sans compter.
Au début des années 2000, l’auteur Mitch Albom a écrit une histoire inspirante intitulée Les cinq personnes que j’ai rencontrées là-haut (The Five People You Meet in Heaven), qui raconte l’histoire d’Eddie, un opérateur de manège, qui meurt dans un accident au parc d’attractions et est ensuite envoyé au ciel. Là, il rencontre cinq personnes qui ont eu un impact important sur sa vie. Je me souviens d’avoir partagé ce livre avec le Père Brennan sans lui dire pourquoi je lui remettais. C’était ma façon de le REMERCIER de faire partie de ma vie, ainsi que de la vie d’un tas d’autres personnes, dans cette pièce et ailleurs.
L’histoire nous rappelle que la vie ne se termine pas avec la mort, mais plutôt qu’il s’agit du début de la vraie vie, dans la JOIE et la PAIX.
Alors aujourd’hui, on ne dit pas vraiment au revoir au Père Brennan : nos magnifiques souvenirs de lui continueront de vivre, cette guitare continuera de jouer de douces mélodies dans la classe 216 pour nous rappeler sa présence et les mots suivants, ses mots, raisonneront à tout jamais dans nos esprits : « La tendresse et la compassion peuvent faire mal. […] Mais lorsque vous faites preuve de tendresse et de compassion, non seulement faites-vous quelque chose de spécial, mais vous devenez quelqu’un de spécial. » (Père Brennan, SJ, 29 août 2018).
Publié à l'origine dans l'édition Été/Automne 2023 du Loyola Today.
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